« On avait fait de la liberté révolutionnaire, une déesse ; on fit de la guillotine une sainte », ironise Georges Duval154.
On assiste, en effet, sous la Terreur, au transfert d’une religion à
une autre. La guillotinade paraissait, par son rite implacable, une
cérémonie véritablement sacrificielle. Chalier s’était écrié après avoir brisé un crucifix : « Ce n’est pas assez d’avoir fait périr le tyran des corps, il faut que le tyran des âmes soit détrôné »155.
Toute une panoplie métaphorique se crée dans la bouche des orateurs
révolutionnaires. En route pour assister à une « mise à égalité »
d’aristocrates, Voulland
annonce d’un air emprunté : « Allons auprès du grand autel voir
célébrer la messe rouge ». Les vendeurs de journaux courent les rues en
criant : « Voici les noms de ceux qui ont gagné à la loterie de sainte
guillotine »156.
D’ailleurs, ces listes de condamnés sont placardées dans des vitrines
de commerçants et des auberges. Ce cynisme outrancier scandalise nombre
de citoyens qui, soucieux du respect dû aux décisions du tribunal et aux
familles éplorées, réclament l’arrêt de ces publications157.
Puis, apparurent les hymnes parodiques, en réponse aux religieuses
qui allèrent en chantant au supplice. On remplaça les « Litanies de la
Sainte-Vierge » par les « Litanies de Sainte-Guillotine » :
Sainte Guillotine, protectrice des patriotes, priez pour nous ;
Sainte Guillotine, effroi des aristocrates, protégez-nous ;
Machine aimable, machine admirable, ayez pitié de nous ;
Sainte-Guillotine délivrez-nous de nos ennemis…
Sainte Guillotine, effroi des aristocrates, protégez-nous ;
Machine aimable, machine admirable, ayez pitié de nous ;
Sainte-Guillotine délivrez-nous de nos ennemis…
Ces paroles iconoclastes qui, d’après le dramaturge Georges Duval158,
prirent leur essor le 21 janvier 1794, pour la commémoration du premier
anniversaire de la mort du Roi, « furent ensuite chantés dans les rues,
dans les carrefours et même dans les Tuileries, sous les fenêtres de la
Convention, par les chanteurs publics aux gages des Jacobins et de la
Commune ». D’autres chansons étaient composées d’expressions
hypocoristiques comme « sainte-guillotinette » qui tendaient à rendre
cet instrument amical et familier :
Dans ce climat, Marat et Robespierre sont considérés comme de
nouveaux prophètes, et l’orateur artésien qui rêve d’instituer une
religion de sa conception, est tenu par ses thuriféraires pour un
demi-dieu. Il aura droit, lui aussi, à ses litanies et on célébrera,
dans la même veine, le « sacré cœur » de Marat, « deuxième martyr de la
Liberté »160.
Le célèbre tribun d’Arras a conservé avec naïveté, mais non sans
vanité, tout un abondant courrier rempli de flagorneries et d’adulations
fanatiques, venues de toutes les régions du pays161.
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Le dernier viatique
La présence de l’aumônier est importante car elle est le dernier dialogue avec le supplicié et celui-ci y trouve souvent un dernier apaisement. Sans doute, pour cette raison, même au cœur de la répression la plus dure, les révolutionnaires qui avaient aboli l’habit ecclésiastique et le culte catholique sous peine de mort, avaient conservé l’habitude des anciennes justices criminelles, d’envoyer auprès des condamnés un prêtre, évidemment constitutionnel, mais ils feront quelques exceptions comme pour le Roi. Ainsi, Fouquier, dès qu'après une audience, il avait pris connaissance de la liste des condamnés, la transmettait-il aussitôt à l'évêché176. Pendant la Terreur, beaucoup de suppliciés restés fidèles à leur foi, se feront bénir et donner l’absolution au cours de leur dernier voyage par un prêtre « insermenté », dissimulé dans la foule. Le rôle primordial de l’aumônier, déjà reconnu par Sanson, dans ses mémoires, fit partie intégrante du protocole sous tous les régimes durant l’activité de la guillotine.
Après les épisodes révolutionnaires, le prêtre a la possibilité de faire de fréquentes visites au prisonnier dans sa cellule afin de tenter de l’amener à résipiscence et l’encourager à bien mourir ; et, si ce dernier est chrétien, il le confesse et le fait communier. En route vers l’échafaud, si le condamné accepte toujours sa présence, il le soutient physiquement et moralement, et ne se séparera de lui que pour lui donner une ultime accolade. Comme les aides du bourreau demeurent muets et indifférents par principe, le prêtre est le seul contact humain que pourra connaître un condamné à ses dernières minutes.
La présence de l’aumônier est importante car elle est le dernier dialogue avec le supplicié et celui-ci y trouve souvent un dernier apaisement. Sans doute, pour cette raison, même au cœur de la répression la plus dure, les révolutionnaires qui avaient aboli l’habit ecclésiastique et le culte catholique sous peine de mort, avaient conservé l’habitude des anciennes justices criminelles, d’envoyer auprès des condamnés un prêtre, évidemment constitutionnel, mais ils feront quelques exceptions comme pour le Roi. Ainsi, Fouquier, dès qu'après une audience, il avait pris connaissance de la liste des condamnés, la transmettait-il aussitôt à l'évêché176. Pendant la Terreur, beaucoup de suppliciés restés fidèles à leur foi, se feront bénir et donner l’absolution au cours de leur dernier voyage par un prêtre « insermenté », dissimulé dans la foule. Le rôle primordial de l’aumônier, déjà reconnu par Sanson, dans ses mémoires, fit partie intégrante du protocole sous tous les régimes durant l’activité de la guillotine.
Après les épisodes révolutionnaires, le prêtre a la possibilité de faire de fréquentes visites au prisonnier dans sa cellule afin de tenter de l’amener à résipiscence et l’encourager à bien mourir ; et, si ce dernier est chrétien, il le confesse et le fait communier. En route vers l’échafaud, si le condamné accepte toujours sa présence, il le soutient physiquement et moralement, et ne se séparera de lui que pour lui donner une ultime accolade. Comme les aides du bourreau demeurent muets et indifférents par principe, le prêtre est le seul contact humain que pourra connaître un condamné à ses dernières minutes.
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